En Espagne, El Gordete est un policier intègre, un peu gauchiste et punk, qui entend continuer son travail malgré les puissants et les injonctions de ses chefs. C’est alors qu’il est appelé suite à la découverte d’un corps, corps en bien mauvais état. C’est celui d’une prostituée africaine, sans papiers, qui a, de plus, été mutilé. Mutilé juste pour le plaisir d’un tueur ou parce que l’on a prélevé des organes sur le corps. Les premiers éléments de l’enquête vont dans le sens de l’aspect chirurgical des choses. Mais cela devient compliqué car le médecin qui a peut-être pratiqué les actes est un notable, lié aux forces politiques du pays et surtout de l’extrême-droite locale qui entend faire pression pour étouffer un dossier qualifié non pas de criminel mais de politique. C’est compter sans l’aspect tête de mule du policier. Peu à peu, El Gordete se rend compte que tout devient difficile et que même les policiers de son propre commissariat cherchent à lui mettre des bâtons dans les roues. Son supérieur a l’air de vouloir qu’on classe cette affaire alors que les preuves s’accumulent.
En parallèle, nous découvrons l’itinéraire de Dotou Gbedji, un jeune Béninois, qui a déci dé de quitter son pays pour venir vivre en Europe, un continent où il voit l’Eldorado promis. Bien entendu, son parcours, douloureux et souvent documenté par différents articles, films de reportage ou romans, est exemplaire de ce qui peut arriver aux migrants. Au final, il se retrouvera dans l’enquête que mène El Gordete.
Fuis, vis et raconte ! est un roman de format classique, avec une partie, plus courte, qui intervient en contrepoint et présente le parcours « normal » d’un candidat à l’immigration et une partie plus conséquente qui montre une enquête où le policier additionne les éléments pour découvrir la vérité sans tenir compte des consignes pour ce faire. Par moment, le récit en devient un peu manichéen mais c’est pour la bonne cause, et El Gordete est trop entier pour agir comme la plupart des policiers normaux de la réalité, c’est-à-dire rentrer dans le rang, toucher sa paye et se taire. En tout cas, l’enquête concoctée par Frédéric-Bertin-Denis est menée tambour battant, avec soin et démonstration logique à l’appui. Le final où interviendra le migrant conclut de manière intelligente un texte qui raconte une intrigue policière en même temps qu’elle décrit le monde dans lequel nous vivons, même si nous en préférerions un autre.