C’est l’été. La canicule frappe Venise. Les policiers Marco et Alberto s’occupent d’une sombre affaire pour laquelle ils n’ont aucun indice : de jeunes touristes étrangers ont été enlevés dans la ville. Aucune demande de rançon n’a été effectuée. Cela énerve le maire qui, sous couvert de protéger la ville des risques et notamment de l’emprise grandissante du tourisme, entend surtout profiter de la corruption ambiante pour ses propres besoins. Il veut que la police découvre qui se cache derrière cette opération d’enlèvements car il ne souhaite pas d’une publicité négative qui baisserait le nombre de visiteurs et pourrait aussi compromettre la vente d’un bâtiment public à un groupe chinois (avec commission souterraine à la clé) pour développer encore plus l’offre hôtelière. Et voilà que des habitants découvrent au petit matin une tête fichée dans un coin de la ville ! Ce pourrait bien entendu être celle d’un des touristes disparus avant qu’une analyse ne montre qu’il s’agit « juste » d’une reproduction très proche de l’original ! C’est alors que d’autres événements un peu étranges se manifestent en ville, des actions qui entendent mettre la pression pour que les touristes soient moins nombreux et que les Vénitiens puissent profiter de leur propre cité. Alors que la chaleur augmente encore et exaspère les tensions, les policiers se demandent qui peut se cacher derrière ces opérations : des écologistes, l’extrême gauche, une mystérieuse organisation qui protégerait Venise depuis des siècles ? Et quel rapport avec des lumières qui semblent se promener dans un palais vénitien censé à la fois être inhabité et hanté ?
Ce premier roman d’Olivia Dufour se compose de trois angles qui se répondent en son sein : d’une part une enquête policière classique avec un groupe qui organise des happenings sauvages et non violents perturbant le caractère touristique de la ville ; ensuite des discussions au sein du groupe qui entend ainsi changer la politique locale (et notamment faut-il instaurer des actions symboliques ou passer à de l’action plus violente) et enfin des dialogues plus informatifs qui évoquent l’emprise du tourisme et la façon dont en se massifiant il provoque une destruction programmée de la ville. L’enquête et les intrigues secondaires (dont les ambitions du maire et de son opposant pour profiter de la manne financière de la ville) reviennent régulièrement dans l’histoire et permettent de limiter l’aspect plus informatif, de voler la vedette et de « plomber » le roman. Par conséquent, les aspects dangereux de ce tourisme prédateur apparaissent d’autant plus violents et on comprend les réactions des Vénitiens (assez proches de celles d’habitants d’autres villes touristiques). En tout, l’équilibre est maintenu, au sein d’une intrigue construite avec soin et des personnages qui ne sont pas que des silhouettes dédiées à une cause. Entre les passages rythmés et ceux plus explicatifs, le tout fait de Veniceland un roman agréable à lire.