Après avoir fui son passé dans la ville de Richmond, Will Seems est revenu survivre dans le comté d’Euphoria et à Terre Promise, la riche propriété familiale aujourd’hui à l’abandon. Des démons, Will Seems en a plein la tête depuis son adolescence. Un trio inséparable – Tom Janders, Sam Hathom et lui – a volé en éclat soudainement. La faute à une embrouille venue de l’extérieur : un passage à tabac en règle où lui n’est pas venu en aide à Sam alors que ce dernier le protégeait. Sam y a perdu plus que toutes ses dents. Depuis, c’est un junky, qui se terre à Terre promise. Par la suite, la mère de Will s’est suicidée et son père est parti, lui aussi à Richmond et devenant avocat. Et voilà que la mort de Tom Janders survient. Son corps est retrouvé dans sa maison incendiée. Des soupçons se portent sur le père de Sam présent sur les lieux. D’autant plus que son couteau a servi d’arme du crime. Seulement, Will n’y croit absolument pas. Il pense qu’il faut chercher ailleurs le coupable du crime (personne dans le comté n’y croit). Mais le shérif tient obstinément à cette piste. Au cœur du mystère, sa relation particulière avec Ferrida « Fay » Pace, la femme de Ton Janders envers qui il a lui aussi une dette. C’est dans ces conditions que débarque à Euphoria la détective privée Bennico Watts pour une enquête tumultueuse au côté de Will Seems qui les mène tout droit au Snakefoot, un rade déglingué où l’on boit du mauvais alcool, on joue de l’argent et on tente de ne pas rentrer les pieds devant. Le duo va alors s’attaquer à forte partie car personne plus que le shérif ne souhaite que l’on mette le nez dans la fange du passé.
Avec ce premier roman noir Henry Wise ancre son action dans l’État de Virginie où les plaies de la guerre de Sécession ne sont pas encore cautérisées et où la pauvreté actuelle rappelle les richesses du passé. Il nous permet de passer en revue toute une galerie de personnages plus paumés et meurtris les uns que les autres sans pour autant faire le deuil de la fraternité. Mais Nulle part où revenir est aussi une histoire d’orgueil bien mal placé assortie de culpabilité et de chantage. Le romancier nous baigne dans une atmosphère qui n’est pas sans rappeler celle de Twin Peaks (un coin paumé, des personnages excentriques, un meurtre mystérieux, un rade notoirement malsain ; il n’y manque qu’une scierie). On sent toute la nostalgie du passé et ce besoin de ne surtout pas se tourner vers l’avenir. Henry Wise fait preuve de beaucoup de maturité. Son intrigue est bien ficelée et prend le temps de faire de jolis détours. Il y a bien ce personnage de détective privée de Bennico Watts qui débarque un peu comme une mouche sur un vieux verre de bière ; il y a aussi ce mysticisme ou cette croyance dans la communauté noire qu’il aurait été intéressant de prolonger. Mais de l’autre côté, il y a ce shérif potentiellement très violent (on pense à L’Assassin qui est en moi, de Jim Thompson) qui sera au sein d’une scène explosive et particulièrement bien rendue. Non, cette histoire ordinaire par bien des aspects donne un très bon roman.