Julien Kirby s'est engagé dans l'armée, mais n'y a pas trouvé son compte. L'armée n'a pas forcément apprécié son passage et trouve qu'il a plus facilement joué au poker avec ses camarades que vraiment intégré le monde militaire. Aussi la séparation s'est faite sans problème. Mais Kirby regagne l'appartement de sa mère sans un kopeck d'avance et sans véritablement de projet professionnel stable. Il espère aussi commencer dans sa vie en gagnant au poker, comme sa mère visiblement l'a fait des années auparavant. Une mère qui a d'ailleurs gardé des liens avec le milieu. Il commence donc sa vie de joueur professionnel et c'est ainsi qu'il rencontre Charlène avec laquelle il va entamer une relation agréable. Mais tout est compliqué et il n'a peut-être pas le cran nécessaire pour devenir un bon joueur. C'est entre autres ce que lui reproche Magnus, un Russe, un gros joueur. Alors, entre ses pertes au jeu et les amis de sa mère qui sont en rapport avec des affaires un peu louches, Kirby est bien obligé de vivre d'expédients. Lorsque l'on retrouve Magnus mort et que ses « associés » cherchent un coupable à qui faire payer l'addition, Kirby sent bien que tout risque de lui échapper : l'amour, l'argent et peut-être même la vie.
Pour les lecteurs qui ne connaitraient pas (et j'en suis), le titre fait référence à une expression du poker signalant par ce double A initial que l'on possède deux as. De fait, si le roman évoque le monde du jeu, il ne s'y limite pas et le titre fait peut-être aussi référence à une « vie » américaine. De fait, le texte va s'appuyer sur des thèmes sur roman noir : le casino, la femme fatale, l'amour rédempteur, les tueurs qui pourchassent un homme, le repli dans une nature préservée qui reste indifférente. Autour de ces thèmes sur lesquels Thierry Brun offre des pages plus qu'intéressantes, l'intrigue s'offre des raccourcis, des sauts narratifs, comme pour jouer avec nos nerfs mais en se basant sur la connaissance de ce que l'auteur et le lecteur ont déjà lu. Inutile par exemple de longuement détailler la mort du magnat russe, de glisser des allusions par flashbacks car c'est là une variation connue. Thierry Brun montre, par fines touches, par une première partie plus urbaine, tournant autour de la nuit, des salles de jeux, des petits ou gros truands, des dettes à rembourser. Puis il attaque la seconde, plus liée à une chasse à l'homme dans la nature, un homme revenant à l'essentiel. Le tout rend une histoire qui offre une variation intelligente sur le genre, un polar sombre, humain et désespéré (avec quelques touches d'optimisme). Un roman qui est à la fois un hommage au genre et personnel. Une œuvre discrète mais cohérente avec un auteur à suivre.
