CHRONIQUES

livres • bandes dessinées • comics
Prix : 19
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Édité chez
Collection :
ISBN : 978-2-84720-471-1
Nombre de pages : 206
Format : 15x24cm
Année de parution : 2005
Titre original : Casa Ventoso
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8 / 10

Casa Ventoso

Série :

Fort comme un rock

Un roman qui évoque avec tendresse les frères Davies et les Kinks ne peut être foncièrement mauvais. Passé ce postulat, on peut être à même de se demander pourquoi un romancier suédois qui développe une intrigue qui se déroule à Malmö lui donne un titre évoquant plutôt le Portugal. Serait-ce pour évoquer le riche Suédois dont la vie oscille entre son Nord natal, les plages espagnoles et les palaces brésiliens ? Serait-ce parce qu'il vient de mourir, massacré à coups de hache laissant une veuve éplorée, et que des rumeurs le disent lié au trafic de drogue dont le quartier dégradé de Casal Ventoso est l'un des emblèmes ? En tout cas, Hjalmar, le policier chargé de l'enquête est bien ennuyé car il reçoit des messages du tueur (ou de quelqu'un qui le connaît), et ces messages l'incitent fortement à rechercher la vérité dans le passé, dans les années 1970 plus exactement. Et plus son enquête avance, plus les liens avec sa propre jeunesse comme guitariste du groupe de rock Why Men deviennent évidents.
Casal Ventoso se construit ainsi sur deux niveaux avec une première partie, distillée avec justesse au cœur du texte, qui reconstitue l'univers de la drogue, de la production lointaine à la seringue locale, en passant par la gamme des intermédiaires et les désastres qu'elle occasionne. L'autre partie restitue avec finesse la façon dont se délitent les rêves. Les rockeurs des années 1960-1970 voulaient un univers meilleur et espéraient que les drogues (dites douces) pourraient aider à cette prise de conscience. Ce genre musical en était alors à ses balbutiements. Il représentait une gigantesque terra incognita dont il fallait définir les contours, explorer les territoires et écouter les sonorités si diverses. Le roman oscille ainsi entre le plaisir de repasser une millionième fois un morceau des Beach Boys et les frissons lorsque des oreilles éberluées ont découvert pour la première fois une guitare se mettre à vivre et vibrer sous les doigts virtuoses de Jimmy Hendrix. Figés dans cette nostalgie (Hjalmar, pour résoudre l'énigme provoque même les retrouvailles de son groupe), dans cette atmosphère où prendre un buvard de LSD semble être une innocente plaisanterie sans conséquence, les personnages se trouvent soudain confrontés au monde moderne dans lequel la drogue est un produit mortifère, l'objet d'une consommation délétère, comme une parabole de notre monde où l'on est passé du mode de l'Être (un joint pour regarder le monde) à celui de l'Avoir (la drogue comme produit de la mondialisation et du capitalisme).
Fredrik Ekelund rend avec soin, à travers des personnages attachants (sa description pudique du tueur en est le parfait exemple), une intrigue qui joue sur une nostalgie que le lecteur sent comme vraie et non feinte et sait faire se répondre avec justesse son étude documentée et ses gros plans sur les acteurs du drame.

Article initialement paru le 31 mars 2015
Publié le 21 mai 2025
Mis à jour le 21 mai 2025
Je ne suis qu'un petit brise-lames, un tout petit brise-lames, bon sang, qui fait ce qu'il peut pour endiguer le mal.
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