CHRONIQUES

livres • bandes dessinées • comics
Prix : 6.6
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ISBN : 978-2-7578-3759-7
Nombre de pages : 192
Format : 11x18cm
Année de parution : 1937
Titre original : Thieves Like Us
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10 / 10

Des voleurs comme nous

Série :

Crime désorganisé

Encensé par Raymond Chandler, source d'inspiration de Nicholas Ray puis plus récemment de Robert Altman, Des voleurs comme nous (1937) de l'Américain Edward Anderson reste un roman d'une modernité déconcertante qui traite d'un sujet toujours autant d'actualité. Il est question à travers un quatuor de personnages de laissés pour compte, de fossé entre privilégiés et lésés, de l'enfermement carcéral et des souffrances physiques et morales engendrées, d'injustice, de romantisme, d'amour et de mort.
Le point de départ très cinématographique pourrait être celui de Down by law, de Jim Jarmusch, avec l'évasion de trois petites frappes – Chicamaw, T-Doub et Bowie – d'un camp de redressement. Le premier est porté sur la boisson, le deuxième aime les mitraillettes, le troisième a tué par mégarde. Ensemble, ils partent retrouver une relation dans l'arrière-boutique d'une station essence. Là, Bowie tombera amoureux de Keechie Mobley, et deviendra peu à peu le héros de ce roman. Pour se refaire une santé financière, les trois compères braquent des banques de toutes tailles. Bowie pense à s'arrêter dès un pécule amassé pour se retirer au calme, mais on n'abandonne pas ainsi ses amis. Il se confronte à Keechie qui a tout abandonné pour lui et aimerait le voir choisir entre lui et ses amis d'une façon positive et définitive. Après un braquage qui a mal tourné avec le meurtre de deux flics, les trois comparses se séparent et se terrent. Bowie part avec Keechie se cacher comme tuberculeux, mais il apprend la mort de T-Doub et l'arrestation de Chicamaw, alors il entreprend d'aller faire évader son dernier compagnon de fortune alors que Kechie, enceinte, est au plus mal, et son dernier périple s'apparentera à un chemin romanesque semé d'embûches sanglantes.
« Des voleurs comme nous », est une remarque du roman à propos des banquiers. Nous sommes dans l'Amérique rurale des années 1930, celle qui s'est pris de plein fouet la crise de 1929, et qui a vu les désespérés passifs du capitalisme partir sur les sentiers battus, pieds nus, sans un sou et moral en berne. Le braquage des banques n'est alors plus qu'un moyen de rétablir un certain équilibre. De récupérer un dû. D'ailleurs, dans certains cas, nos trois héros trouvent une certaine mansuétude chez des individus qu'ils croisent. Le Texan Edward Anderson fort de cette intrigue et d'un style réaliste aux dialogues minimalistes et pourtant cruellement engagés, logiques et défaitistes, réalise un roman important pour la compréhension d'une frange de la population abandonnée américaine qui se réveille avec un mal de crâne et comprend – enfin – que le rêve s'est transformé en cauchemar. Un cauchemar bâti dès le début par le massacre des Indiens tant physique que moral, symbolisé par Chicamaw, qui ne peut soigner une alcoolémie virulente. La fatalité qui touche Keechie et Bowie ne sera pas sans rappeler celle de Dédé Arnal et Gina, les deux amants perdus de Léo Malet dans La Vie est dégueulasse. La fin de ce roman montre avec beaucoup de finesse et de rudesse comment se forge une légende et comment les médias manipulent la réalité avec l'aide (volontaire ou pas) de la police. Le tout devrait faire comprendre l'importance de ce roman oublié…

Article initialement paru le 6 août 2014
Publié le 21 mai 2025
Mis à jour le 21 mai 2025
L'extrême dans la richesse crée le crime. Aussi longtemps que le système social permettrait l'acquisition d'énormes fortunes, le crime existerait comme tentative d'égalité, et le gouvernement et toutes les lois répressives n'y feraient rien.
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