Dans les années 1970, en Espagne, la fin de règne de Franco est complexe. D’un côté, le dictateur malade a du mal à continuer à exercer son emprise sur son administration. De l’autre, les forces qui le soutiennent – dont les militaires – veulent conserver les parts de pouvoir qu’elles exercent depuis leur victoire. Enfin les groupuscules révolutionnaires, soutenus par les exilés, continuent à travailler pour renverser le régime, créant des attentats violents. Dans cette période troublée, un groupe, sévèrement compartimenté, doté d’une police interne qui surveille les militants pour éviter les infiltrations policières, prépare ses activités. De nos jours, Marianne, femme amoureuse, va commencer à se poser des questions. Son compagnon est un universitaire charmant, qui vient de prendre sa retraite, mais qui a des comportements un peu étranges. Si, au départ, elle le soupçonne presque de la tromper, elle commence à fouiller dans son passé et comprend que quelque chose cloche. Il semble apparaitre sans avoir d’enfance, d’adolescence ni aucun parcours scolaire. Même ceux qui auraient dû être ses collègues à la faculté ne semblent pas trop se souvenir de lui. Pourtant, il a bien soutenu une thèse et la thèse existe, mais tout semble s’effriter quand on cherche à en apprendre davantage. Ce qui est sûr, c’est qu’il a travaillé sur le domaine hispanique. En fouillant, elle s’aperçoit aussi que des éléments bizarres commencent à survenir, comme si elle était surveillée.
Bien entendu les deux fils d’intrigue vont se nouer (avec quelques rebondissements y compris dans les dernières pages, pour ne pas apparaître aussi évidents qu’ils l’étaient au départ) pour créer une histoire policière et politique crédible. Le roman de Diego Arrabal revient sur les derniers mois du franquisme, sur le moment où la dictature s’allie avec l’ancienne monarchie pour conserver quelques prébendes. Même si certains commencent à douter du combat de résistance, si certains partis commencent à envisager une issue évolutive vers la démocratie plutôt que la prise du pouvoir, la violence des deux camps (celui des anti-franquistes et celui des différentes forces répressives qui entendent garder le statu quo) est racontée avec soin, à travers une intrigue crédible, mixant les enjeux collectifs et les besoins individuels dans une écriture maîtrisée, une intrigue construite avec soin et un dévoilement progressif bien amené. De forme classique, Illusions est un roman intelligent sur une crise politique, qui n’oublie pas la noirceur, les trahisons, pour présenter un pan d’histoire proche dans le temps et dans l’espace.