Honoré , un peintre qui ne vend pas beaucoup, s’est installé à Tahiti en espérant y vivre mieux. Il a même participé à une sorte de communauté un peu hippie mais s’en est éloigné. Son mentor lui propose de peindre des touristes pour se faire un peu d’argent. Première idée, se rapprocher d’une femme, une Américaine qui s’occupe de la carrière de Gloria, une vedette sexy venue tourner une histoire d’espionnage sur l’île. Mais Gloria a l’air de trouver très moche les peintures d’Honoré. Ce dernier se « venge » en la draguant. En même temps, Honoré a une vieille connaissance sur l’île, un écrivain américain qui est venu écrire une vie de Gauguin et qui est resté sur les lieux. Certaines rumeurs disent qu’il est lié aux services secrets américains. Il faut dire que sur place les Français font des essais nucléaires. Il y a donc foultitude d’espions pour surveiller. D’autant plus que d’autres bruits courent : la France profiterait du secret-défense sur son arme atomique pour tester aussi sur la population locale des armes chimiques ou bactériologiques. Toujours est-il que Honoré décide, pour renforcer son emprise, de faire croire à Gloria qu’il est réellement un espion, que ce n’est pas du cinéma. Mais alors qu’il se balade avec sa belle, on lui tire dessus. Dans l’angoisse qui suit, il frappe Gloria et elle découvre que c’est ainsi qu’elle obtient l’orgasme ! Cependant, entre les bruits qui courent, les menaces et les coups de feu qu’il a essuyés, Honoré attire l’attention des différents services secrets de l’île. Il faut le surveiller et il devient l’objet d’attention de tous.
Au cours de sa carrière, Jean Meckert a envisagé de faire du cinéma et, dans les années 1970, le meilleur moyen c’est d’écrire des scénarios d’espionnage (il va d’ailleurs s’en moquer à de nombreuses reprises dans le texte, ricanant entre autres sur les couvertures érotiques des collections du genre et son évocation du film en cours se concentre autant sur les activités physiques du héros, plus prompt à boire qu’à se battre, que sur les atouts physiques de l’héroïne). Et encore nous n’évoquons pas l’utilisation d’un bateau vaguement déguisé pour devenir un sous-marin et que le producteur espère garder pour ses propres voyages. Mais Jean Meckert ne peut pas écrire une histoire aussi simple et son aventure d’un homme ordinaire qui fait croire qu’il est espion, à tel point que tout le monde va le croire y compris de véritables espions, est aussi l’occasion de présenter Tahiti comme il l’a vue et non comme le gaullisme la présente : un espace colonial, où les Français commandent et les indigènes sont juste bons à être les cobayes ou les boys des Blancs. De plus, dès ses premiers polars Jean Meckert/Amila avait évoqué les dangers de la guerre ou de l’atome, et cette pile qui sert à faire des essais sans se soucier des retombées négatives lui hérisse le poil. Entre deux discussions, deux plans pour se sortir de la misère, se glissent des informations sur la situation réelle du pays. Une volonté de décrire le monde qui lui vaudra (peut-être) des attaques physiques et une fin de vie difficile (et donnera lieu à un autre polar Didier Daeninckx pour raconter cette histoire). En revanche, le récit oscille entre des descriptions de la vie sur l’île, la vie des personnages et quelques scènes d’action pour créer un roman attachant, un peu éloigné des polars habituels.