Écrivain prolifique à la plume gracieuse, Romain Slocombe continue d'arpenter l'histoire des Français durant la Seconde Guerre mondiale. Après Monsieur le commandant, vaste roman épistolaire de dénonciation (on comprend également pourquoi Romain Slocombe apprécie plus particulièrement Le Corbeau), l'auteur s'intéresse à la collaboration « ordinaire ». Ce n'est surement pas un hasard s'il cite en exergue de son roman une citation des Bienveillantes, de Jonathan Littel. Son roman narre la trajectoire d'un homme, Léon Sadorski – flic pas plus corrompu que ses acolytes, engagé et vétéran de la Grande Guerre -, qui est un fonctionnaire scrupuleux et auquel on va finir par s'attacher malgré ses méfaits. Inspecteur à la 3e section des Renseignements généraux, ce pétainiste de la première heure fait ce qu'on lui dit de faire, et tant mieux si des juifs en pâtissent pourvu que lui en tire un léger bénéfice qui lui permettra d'acheter de vrais bas à la femme de sa vie. Le meurtre atroce commis sur une femme qui avec sa sœur s'affichait avec des Allemands va avoir de profondes résonances sur sa vie. C'est à la fois un homme consciencieux et curieux alors il enquête (et même si la Gestapo semble vouloir enterrer l'affaire). Seulement, il y a la Gestapo (les Allemands) et la Gessetapo (les collabos français qui ont été enrôlés dans les prisons et qui eux sont de véritables malfrats qui tuent pour une parole ou un geste de travers ; des êtres malfaisants revanchards sur la société et surtout sur les garants de la société : la flicaille). Les agissements de Léon Sadorski ne manqueront pas d'alerter les uns et les autres. Cela lui vaudra un aller-retour pour Berlin et une foultitude d'interrogatoires plus musclés et avilissants les uns que les autres. Son retour en grâce ne sera que temporaire car lui sera sous la coupe des Allemands qui souhaitaient en faire un indic. Léon Sadorski n'aime pas les Allemands, il les supporte. Mais il n'aime pas non plus les juifs et les communistes. Eux, il ne les supporte pas. Les premiers ont déjà phagocyté la démocratie, les derniers veulent l'abattre. Alors, à choisir entre la peste et le choléra, Léon Sadorski a opté pour la collaboration. Mais à sa manière. En en faisant un peu plus que demandé mais avec un tact tout administratif.