Ancien membre défroqué de la Chevalerie de Lecture Experte de France (CLEF), Pierre Bayard et son amie Édith vivotent dans un appartement parisien. Si la vie n’est pas désagréable, lui n’a plus le droit d’être un détextive, d’enquêter sur les livres, ni même d’avoir le moindre rapport avec eux (hormis les lectures plaisir). C’est alors qu’une petite annonce va chambouler le train-train très monotone. Une petite annonce, une disparition, et un chapeau. L’intrépide et ex-chevalier fantasque va se retrouver à enquêter sur Le Petit Prince, d’Antoine de Saint-Exupéry en compagnie de deux adolescents opposés : Minuit-Pile et Bas-de-Casse. L’affaire va les mener à la Bibliothèque Nationale de France où une exposition sur l’auteur a été rondement (c’est à prouver) menée par un chevalier à qui tout semble sourire, le mal-nommé Lucien Voldenuit. Mais l’enquête va s’avérer d’autant plus difficile que la terrible Élise Mieux, flanquée de son homme à tout faire Roman noir, entend bien mener la vie dure à Bayard. À la tête de la CLEF, c’est une femme intouchable et inflexible. C’est elle qui a déchu il y a bien des années de cela Bayard de son titre. Et puis, il y a cette vieille histoire sentimentale avec Gudule de Senteros, directrice de la BNF… Mais l’instinct de Bayard est également son meilleur perturbateur.
Après avoir écrit avec succès Les Petites Reines, il était presque normal de voir Clémentine Beauvais s’attaquer au Petit Prince en y mêlant un brin de malice et de littérature comparée (chère à Pierre Bayard l’adulte un peu moins fantasque, peut-être, que son personnage). L’auteure est subtile, elle s’amuse et nous amuse (il suffit de la voir nous parler d’Édith, l’amie de Bayard pour comprendre le pouvoir des mots et de l’imagination). Son quatuor d’enquêteurs est exemplaire (à commencer par ce lunaire déteXtive qui enquête sur les livres), la démonstration sujette à caution sans être sujette à débat (chacun est libre d’interpréter et heureusement une œuvre, et les CLEFS sont multiples n’en déplaise à Élise Mieux). L’hommage est là. Il est brillant. Au cœur de l’intrigue, la distinction entre l’auteur et le narrateur (thème hautement important aujourd’hui plus qu’hier) et un débat sur l’âge de ce dernier. Dit comme ça, ça fait peur, mais sous la plume de Clémentine Beauvais c’est ludique et jouissif, l’auteure ayant pris soin de faire en sorte que la lecture du Petit Prince ne soit pas « obligatoire ». On en redemande !