Oscar Moulinet, preneur de son à France Inter, est patraque et en ce jour pluvieux, il est encore au lit en fin d'après-midi. Professionnellement consciencieux, il est tout de même branché sur sa station et écoute l'interview de la cantatrice Christina Vogelgesang, qui avoue une curieuse habitude : la grande artiste se sert d'une petite boîte en forme de canard en or pour y ranger les pilules qu'elle prend régulièrement pour ne pas perdre sa voix. Mais ce qui surprend le plus Moulinet c'est que le canard est aussi une boîte à musique, qui joue « L'Entrecôte », chanson immortalisée en son temps par les Frère Jacques… et qu'Édith, la compagne du preneur de son, possède exactement la même ! Une coïncidence qu'Oscar aurait vite oublié si le lendemain, l'assassinat de la cantatrice n'avait pas été à la Une des journaux… et si le canard n'avait pas été retrouvé, tout cabossé, sur les lieux du crime. Le jeune homme se pose des questions mais il va s'en poser plus encore quand, rentrant chez lui, il retrouve Édith évanouie : on vient d'essayer de lui dérober son canard à elle, et l'agresseur est encore dans l'immeuble ! Oscar fonce à sa poursuite…
Ouf ! À peine dix pages, et déjà une succession de rebondissements ! Normal : ce premier tome – sur cinq prévus – est l'adaptation d'un feuilleton radiophonique signé Boujut et Tardi, diffusé entre 1997 et 1998 sur France Inter, dont le rythme était déjà trépidant. Stanislas Barthélémy appartient sans aucun doute possible à cette famille des dessinateurs qui se sont emparés de la « ligne claire » pour imposer une patte bien à eux, et son style, enlevé et vivant, donne le punch nécessaire à un scénario chargé en personnages et en situations… Auteur d'une excellente biographie d'Hergé (avec Bocquet et Fromental au scénario) le dessinateur semble comme un poisson dans l'eau avec cette histoire complètement rocambolesque, qui fait d'ailleurs s'exclamer à une fillette qui n'a pas froid aux yeux, au début de l'aventure : « On dirait une histoire de Tintin ! » Alors, bien entendu, l'œuvre originale étant elle-même très bavarde, puisque entièrement dialoguée pour la radio, l'album est très dense côté textes…Et oui, il faut faire un petit effort pour se plonger dans l'histoire, mais une fois qu'on y est, on retrouve avec délectation la verve de Boujut et Tardi, et on tourne très vite les pages pour connaître le secret des canards musicaux disséminés par le mystérieux Monsieur Schmutz.
Une belle réussite.