CHRONIQUES

livres • bandes dessinées • comics
Prix : 21.9
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ISBN : 978-2-207-11852-8
Nombre de pages : 352
Format : 16x23cm
Année de parution : 2012
Titre original : Edge of Dark Water
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6 / 10

Les Enfants de l’eau noire

Tom Sawyer électrique

Retrouver Joe R. Lansdale, c'est accepter de renouer avec un terrain connu, des personnages déjà un peu dressés et archétypaux. Il y a deux axes chez lui : une série épisodique qui se déroule aujourd'hui avec le duo Hap Collins et Leonard Pine, deux personnages un peu marginaux et tarantinesques, et un autre dont l'ambiance est toute différente, et qui joue plus sur la période et le lieu que sur des acteurs récurrents. Les Enfants de l'eau noire est un roman ancré dans ce second axe. Nous nous retrouvons donc, ici, au cœur des années 1930, en plein Sud profond – celui des bayous, entre Texas et Louisiane. C'est un monde peuplé de petits Blancs racistes, à la vie frustre, où la seule occupation est de pêcher, de picoler, et de croiser toute une horde de prédicateurs auto-proclamés. Les adolescents, eux, s'amusent entre eux et se moquent bien des préjugés. C'est le cas de Sue Ellen, une fille qui vit entre un père brutal et une mère qui sirote un « sirop » qui a le mérite de la plonger dans les limbes et un oubli bienheureux. Elle a trois amis, eux aussi, installés dans des familles bancales : Terry, une jeune homosexuel, Jinx une jeune fille noire et May, qui rêve de devenir une grande star de cinéma. Tout pourrait être simple, et la nouvelle génération pourrait regarder ses espoirs pourrir, comme l'humidité et la chaleur rongeant les maisons et les biens les entourant. Mais rien ne peut être aussi simple, et c'est le corps de May, noyée, une machine à coudre attachée aux pieds qui apparaît. Vient alors aux adolescents une idée saugrenue tendance Big Lebowski : brûler le corps de May et convoyer ses cendres à Hollywood afin de lui rendre un dernier hommage brillant et de l'amener autant que faire se peu à réaliser son plus grand rêve. En fouillant les affaires de l'apprentie actrice, ils découvrent que celle-ci a laissé une carte au trésor, qui ne se révèle pas être une supercherie. Mais cet argent va entraîner bien des convoitises, et nos héros doivent emprunter le fleuve pour fuir sur un radeau, poursuivis, entre autres, par une légende vivante du bayou, l'horrible Skunk.
Le lecteur retrouve donc bien ici tout l'univers du Sud cher à Joe R. Lansdale : mélange de crasse, d'ignorance et de poésie du quotidien, petits Blancs paumés prêts à s'étriper pour quelques dollars, rêves de l'adolescence, figures négative du policier, du prêtre (ici, un prédicateur assez ambigu) et de l'homme des bois – le Naturel, le sauvage -, qui n'a aucune des vertus rousseauistes, mais est un dangereux psychopathe (on aurait même aimé le voir un peu plus dans ses œuvres même si la façon dont il assiège la cabane où sont réfugiés les fugitifs rappelle les bonnes pages gothiques de l'auteur). Version décalée des Aventures de Tom Sawyer, Les Enfants de l'eau noire n'est sans doute pas le meilleur des romans écrits par Joe R. Lansdale, mais c'est avant tout un roman qui ne déçoit pas et qui plonge le lecteur habitué du romancier dans ce qu'il venait chercher en ouvrant ce livre.

Article initialement paru le 21 septembre 2015
Publié le 21 mai 2025
Mis à jour le 21 mai 2025
En une seul nuit, il avait perdu son église et assassiné un homme, mais aussi découvert qu'il s'était embarqué sur un radeau avec une bande de voleurs et de violeurs de sépulture.
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