Dans ce troisième volet des Enquêtes du commissaire Van In, Peter Aspe reprend les mêmes ingrédients que dans ses précédents romans pour construire son intrigue. L'essentiel réside dans l'affrontement entre un personnage influent, un notable aux puissants réseaux de pouvoir, et le commissaire, un flic hors normes.
Dans Les Masques de la nuit, c'est le propriétaire d'une des plus grosses entreprises de construction du pays qui entre dans le collimateur du commissaire lors de la découverte, par la petite fille des nouveaux propriétaires, d'un squelette. Si l'identification de Herbert, nom donné par Van In au squelette, en opposition au jargon américain qui veut qu'un mort non identifié soit appelé John ou Jane Doe, pose problèmes, la destination des locaux s'éclaire rapidement. Cette maison s'inscrivait dans les lieux de débauche de la bourgeoisie de Bruges. Entre un notable qui tient beaucoup de monde dans sa main, une poignée de personnages aux profils caractéristiques comme un tenancier de bordel en fuite avec ses secrets, une ex-prostituée, devenue poivrote, qui ne rêve que de vengeance, un avocat à la réputation terrible mais sulfureuse, Van In n'est pas au bout de ses peines. Il doit se méfier, dans son propre service, d'un élément nouveau et dans sa vie personnelle, pour continuer de conquérir Hannelore, contre l'envie de reprendre ses mauvaises habitudes alimentaires et son goût immodéré pour la Duvel.
Avec de tels ingrédients, on peut craindre de retrouver une enquête sans âme, pleine de clichés et de poncifs. Mais Peter Aspe excelle à construire une intrigue passionnante, faisant slalomer son héros entre les nombreux écueils qui se dressent sur sa route, une route pas toujours très droite au regard de la légalité. Le personnage, bien construit, attire l'empathie et son parcours est attrayant.
Le couple Hannelore, jeune substitut du procureur, et Peter fonctionne avec toutes les vicissitudes d'une vie à deux. Ils ont, de plus, à partager les mêmes soucis sur les mêmes dossiers.
Même si Les Masques de la nuit ne révolutionne pas le polar, il n'en reste pas moins un excellent livre à dévorer sans retenue, une enquête à suivre sans bouder son plaisir car le récit est très humoristique, rythmé et riche en trouvailles, images décalées, réflexions et annotations sur notre société sur notre façon de vivre, sur les plaisirs de la table et de la vie.