L’Annexe est une officine secrète de la DGSE, les services secrets français Seuls quelques hommes et femmes en font partie, et c’est un service souvent sur la sellette car il n’obéit pas forcément aux règles hiérarchiques, ni au gouvernement. Ce groupe dispose de son propre agenda. Et ce groupe est sur les charbons ardents : un de leurs meilleurs agents en poste en Chine est l’officier traitant d’un cardinal caché, d’un religieux qui lutte pour le maintien du catholicisme non inféodé au parti. Par une de ses connaissances, il vient d’avoir des renseignements capitaux pour la survie de sa religion : le parti communiste s’apprêtant à détruire l’église officieuse et s’attacher le pape par des manœuvres sournoises. Il faut donc le sortir du pays et lui permettre de venir en France pour présenter ses documents. Comme il faut faire vite, l’on prend ce qui est possible et le seul moyen de le faire fuir est de le faire passer, dans la cabine d’un porte-conteneurs, par le Canada. Comment le récupérer là-bas ? En utilisant les services d’un ancien agent, qui a dû quitter le service, en se faisant passer pour mort, et qui travaille à l’équart de tout, comme pilote d’hydravion. Acceptera-t-il cette mission ? Et s’il y prenait goût, et par paranoïa normale, se méfiait de tout, y compris de ses propres services ? Et quand son chef commence, à son tour, à se méfier du Président de la République, les choses deviennent compliquées.
En s’inspirant d’événements qui pourraient être contemporains – le rôle de la Chine, le besoin du Vatican de protéger ses « catholiques » chinois qui risquent de subir le même sort que les ouïghours -, le roman de Jacques Baudouin trouve un bon terrain pour un récit d’espionnage. En s’appuyant sur un service secret (menacé) à l’intérieur d’un autre service secret, dont les chefs se détestent et veulent chacun les miettes de pouvoir de son voisin, le récit se complique encore, dans la grande tradition du thriller où il faut découvrir qui est le traître en même temps qu’il faut se protéger, devenir paranoïaque. L’intrigue décrit à la fois un prêtre chinois fuyant son pays avec des secrets très importants, un ancien agent revenu de tout mais peut-être encore naïf, sa compagne, qui vit cela comme une aventure à la Tintin, sans se rendre compte des risques. Et cet ensemble concourt à faire du récit un bon roman d’espionnage, intelligent, machiavélique. En décalant un peu les personnages de la réalité ( le Président est presque Macron, mais pas tout à fait ; le pape est sud-américain mais pas forcément l’ancien papa François), en les ancrant dans une intrigue forte, en montrant bien l’importance actuelle des services secrets chinois capables de beaucoup de choses grâce, aussi, à leur utilisation de la technologie la plus moderne, L’Espion et le cardinal est un roman d’espionnage très bien construit, très bien amené, conciliant moments de tension, d’explication, de géopolitique et parfois des pauses salutaires, presque drôles, pour un résultat plus qu’honorable.