2011. Marthe Jarousseau, responsable de l'ONG Croire, est assassinée sur sa péniche parisienne, le coupable maquillant le tout en suicide. Ceci alors que son fils Conrad dormait à quelques mètres de là… Conrad à qui elle a inculqué dès l'enfance une suite de chiffres dont il ignore la signification, mais à retenir quoi qu'il arrive. Des années plus tard, Conrad est devenu un ado rebelle et cocaïnomane avec pour meilleur ami Lazario Nurio, un ex-boxeur cubain qui l'a pris sous son aile après la mort de sa mère. Mais ce dernier se fait tuer dans une rixe de bar, laissant Conrad se débrouiller avec Joren Aelters, son père biologique, plus occupé à frimer avec l'argent hérité de Marthe. Chez Lazario, Conrad trouve un chèque de vingt mille euros fait à l'ancien boxeur… signé par Joren lui-même ! Conrad se tourne alors vers sa sœur Héloïse pour tenter d'avoir le fin mot de l'histoire, mais échappe de justesse à une tentative d'assassinat. Il y a aussi Manu, la nouvelle amie de Joren aux absences étranges — mais qui est en fait une envoyée de l'Office Central contre le Crime Organisé : son responsable Christian Meyer espère toujours coincer Joren, qu'il croit être l'assassin de son épouse. Or Laurène Serviez, la femme qui a donné un alibi à Joren pour le soir du meurtre, vient d'être retrouvée assassinée. Le coupable se serait-il débarrassé du dernier témoin compromettant, au risque de relancer l'affaire ? Les deux s'étaient retrouvés à Cuba, l'île autour de laquelle tourne toute l'affaire. Cuba où un ressortissant français est assassiné pendant qu'une ado, Dahlia, tente de survivre à un père brutal… Quant à l'ONG Croire, tout dans ses comptes n'était pas irréprochable…
On le voit, l'auteur n'a pas peur de la complexité. Amateur d'intrigues touffues, vous avez trouvé votre bonheur ! Touffue, mais pas confuse, car si les personnages sont nombreux, une fois débrouillée, toute cette mécanique criminelle est parfaitement huilée, même s'il faut être attentif pour ne pas en louper une subtilité. Les plus belles pages en revanche sont pour cette Dalhia volontaire, prototype de la survivante, un personnage qui pourrait être cliché mais qui réussit à rester crédible d'un bout à l'autre. Quant au mystérieux assassin diabolique intervenant de temps en temps, il rejoint l'une des figures mythiques les plus jouissives du genre, celle du génie du crime tissant ses filets. En filigrane, pour qui veut sucer la substantifique moelle, Carl Pineau nous développe l'inverse de ces thrillers bling-bling qui, sous prétexte de dénonciation (généralement bien molle), témoignent d'une certaine complaisance pour ce mode de vie : Joren, violent, obsédé par un argent qu'il n'a pas gagné, mais qui nourrit son complexe de supériorité, bref un pauvre type en costume de luxe, est le négatif des personnages peuplant ce genre de romans, et l'auteur échappe à la facilité de charger le personnage ou de donner dans la morale facile. En tout cas, on ne pourra certainement pas dire qu'il manque de souffle. Pour quelques millions ! est une réussite de plus pour un éditeur qui a déjà un bien joli catalogue.