Al Dorsey (c’est un pseudonyme) est un détective qui n’a pas trop de boulot du côté de la Polynésie française, mais il vit avec. Il est contacté par un ami car il a vu des singes dans le coin qui ne sont pas des singes locaux. En arrivant sur les lieux avec un ami policier, il découvre que ces singes étaient sur un bateau avec des migrants venus d’Éthiopie. Fichtre ! En voilà un long trajet ! Dans les faits, il s’agit de travailleurs forcés qui étaient sur un gros bateau amarré dans le port. Le détective et ses amis décident de s’occuper des singes tandis que les Éthiopiens sont ramenés sur leur bateau d’origine. Mais tout ne devient pas rose : une nouvelle drogue, le fentanyl, est arrivée en ville et commence à faire des ravages. Des petits voyous deviennent plus violents pour contrôler ce marché naissant et les familles demandent à Al Dorsey de surveiller leurs adolescents. Mais qui est l’importateur de ce fléau ? Entre les plaisanteries de ses camarades et leurs fautes de français qui les rendent parfois compliqués à comprendre, les désarrois de son ami policier et la découverte dans une barque échouée de paquets de drogue, pour lesquelles Al Dorsey est obligé de se battre avec des hommes masqués (mais qui s’interpellent par leurs prénoms et montrent ostensiblement leurs tatouages reconnaissables !), l’enquête peut s’avérer mouvementée.
Patrice Guirao vit à Tahiti et nous en parle avec humour (mais sans ironie) à hauteur de ses personnages, pour lesquels on sent une empathie certaine. Dans ce sixième volet des aventures de son détective Al Dorsey, les péripéties policières pures sont un peu moins nombreuses, au bénéfice d’une description des personnages, des situations, du désarroi des simples habitants face au déferlement des drogues, symbole aussi du présent colonial et de la complexité de la situation de vie des locaux qui peinent à vivre sur ce qui pourrait être un paradis. Le personnage central a fort à faire avec des situations qui le dépassent au départ (les singes qui arrivent, les migrants qui pourraient ne pas en être, les jeunes qu’il connait et qui passent de viols au trafic ou à la consommation de produits hautement dangereux). Le talent de l’auteur se voit dans ce soin apporté aux détails, à la vie quotidienne, à l’humour discret de tous les jours qui permet de vivre, pour créer un roman bien mené et d’une lecture plus qu’agréable.