Delphine Bilien est une auteure qui s'est fait une jolie réputation en Anjou, il était donc normal de la retrouver chez Geste à l'écriture de l'opus du « Cercle de Sherlock Holmes » de sa région dans une version quasi luxe richement illustrée. Elle propose ici une trame classique, plongée dans l'intimité d'une famille de notables et notaires angevins alors que le fameux détective et son fidèle Watson attendent un train de correspondance en gare d'Angers.
Si la rencontre avec la journaliste Claire Bodin en ce jour de décembre 1910 semble un peu tirée par les cheveux, avec une passe d'armes de déduction entre les deux, qu'il y a un aspect découverte de l'architecture de la ville un peu trop appuyé, la suite va aller vers un classicisme léger et enlevé à mesure que Delphine Bilien s'approprie son intrigue. Jouant les guides, la journaliste Claire Bodin (un Tintin au féminin qui a beaucoup de passe-droits, qui travaille peu ou de manière très indépendante sans un rendu palpable) amène notre vieux duo vers la demeure des Fromentin. Elle leur narre les bizarreries qui leur sont arrivés. Des petits faits sans trop d'importance (mise à part la mort du chien de la famille), mais qui font réagir Sherlock Holmes. Il le sait, il le sent : un terrible danger pèse sur la famille Fromentin. Quand la mère meurt au bas d'un escalier, l'enquête s'impose. Les déductions du détective sont les bienvenues, et voici un trio qui part à la recherche d'une vérité, de quelque chose qui puise sa source dans l'enfance des enfants Fromentin et d'un certain ressentiment (avec entremêlés de l'exotisme, du féminisme et un accident maritime). Après bien des péripéties dont un incendie, l'histoire trouvera sa conclusion dans un hôtel de luxe avec son lot de rebondissements.
L'auteure s'en prend à cœur-joie pour dépeindre la vie bourgeoise de l'époque. Elle n'en oublie pas d'emmener ses protagonistes à Trélazé dans une carrière d'ardoise à la découverte du quernage, cette façon toute particulière de scinder le schiste et où un étrange accident aura lieu. On pourra lui reprocher cependant une vision légèrement naïve du métier de journaliste de l'époque (avec en plus un personnage féminin improbable), mais le tout est associé à une intrigue très légère, proche du cosy crime, avec un deus ex machina que les amateurs du genre auront pressenti longtemps avec le trio. Il n'empêche que Delphine Bilien sait créer une histoire, sait la raconter et surtout fait preuve d'une bonne veine romanesque.
