Les amateurs de littérature policière connaissent Jean Meckert, au moins de nom, et en tout cas sous le pseudonyme de Jean Amila sous lequel il a fait paraître ses romans à la « Série noire ». De fait, avant-guerre, l’auteur a eu une carrière plutôt destinée à la littérature générale puis, sans doute de manière alimentaire, il s’est tourné vers les romans policiers. Il a même eu le droit à deux livres hommages signés Didier Daeninckx (12, rue Meckert et Nazis dans le métro). Dans l’immédiate après-guerre, il s’est essayé au théâtre sans avoir le succès escompté. Les Radis creux est pourtant une « vraie » œuvre originale (dans tous les sens du terme). Le personnage central est un homme désespéré qui vit en cultivant des légumes dans les cimetières, en se servant des endroits où les tombes ne sont pas entretenues. Il va rencontrer deux femmes qui s’éloigneront de lui après avoir l’avoir croisé comme si elles repoussaient sa misère. Texte noir et pessimiste, à l’instar de l’œuvre littéraire.
L’Ange au combat (1950), de Jean Meckert (Joseph K. « Théâtre », II – 128 P. 12,50 €)
978-2-910686-87
Les deux autres pièces proposées sont des reprises et transformations de romans. L’Ange au combat reprend l’histoire d’un homme perdu, qui veut créer le pacifisme intégral et s’éloigne de son épouse lors d’une scène où chacun accusera l’autre d’avoir voulu sa mort. Cela reprend une partie de l’intrigue de La Lucarne, son troisième roman paru en 1945 et republié chez Joëlle Losfeld.
Enfin, Nous avons les mains rouges a le même titre que l’un de ses romans sorti en 1947. C’est une pièce très noire qui évoque les résistants redevenus des civils et qui ne supportent pas que la vie reprenne comme avant, que l’on ait oublié leurs combats, voire même que les collaborateurs aient repris leurs activités. Nous sommes ici avec un groupe qui entend continuer dans l’esprit de la résistance et même à continuer les exécutions des ennemis, ce qui leur vaut des ennuis avec la gendarmerie. La pièce, là aussi, reprend l’argument du roman, en la resserrant autour des discussions des résistants, avec un côté noir et pessimiste, qui a poussé un grand nombre de producteurs ou d’acteurs à ne pas vouloir trop se mesurer à une pièce qui jonglait avec le mythe résistentialiste quelques mois après la Libération, à une période où cela semblait impossible.
Nous avons les mains rouges (1950), de Jean Meckert (Joseph K. « Théâtre », III – 128 P. 12,50 €)
978-2-910686-88-8
Bien évidement, les amateurs de littérature policière pure risquent d’être un peu dubitatifs devant des textes noirs, pessimistes, intéressants, mais qui oscillent du côté de la littérature générale et populaire, voire prolétarienne. Le tout sous forme de textes de théâtre, forcément plus particuliers dans leur approche en terme de lectures. Les amateurs d’histoire du roman policier, les « fans » d’Amila/Meckert y trouveront eux leur compte en retrouvant les thématiques et la façon de raconter, de présenter une histoire, d’un auteur qui reste une statue impressionnante du genre.