Paris, Opéra Garnier, 1890. L’imposant bâtiment conçu par Jean Louis Charles Garnier s’apprête à accueillir le Première du Faust de Gounod. C’est aussi le jour de la passation de pouvoir entre les deux directeurs et leurs successeurs. La raison en est que le Fantôme les fait chanter : il s’est octroyé la loge numéro 5 et chaque début de mois reçoit en échange de ses menaces vingt mille francs. Seulement, les deux nouveaux directeurs ne l’entendent pas ainsi. Dans les coulisses, Christine, Mademoiselle Daaé, se prépare. Ce n’est pas Carlotta, la Diva, la Soprano, mais elle a fait de jolis progrès au chant. Raoul de Chagny, son promis, l’attend avec impatience. Mais il ne sait pas que le Fantôme est tombé amoureux de Christine. Qu’il lui a conféré des « pouvoirs artistiques ». Quand la Diva tombe malade, elle la remplace et de fort belle manière au pied levé. Seulement, le Fantôme est blessé dans son orgueil par la nouvelle direction. Il provoque des accidents (un cheval qui disparait, un lustre qui tombe en plein spectacle) qu’il signe d’une carte avec un masque. Et un soir, il enlève Christine. Avec l’ancien Darogan de Mazendéran, Raoul va entrer dans les entrailles de l’Opéra. Le Perse connait bien Erik, le Fantôme, et n’est pas là par hasard. Il sait ce que l’Opéra lui doit. Mais Erik a sombré dans sa folie. Et Erik doit être arrêté. Mais pendant que les deux hommes sont enfermés dans la Chambre des supplices, le fantôme propose un chantage indigne à Christine…
Adapter Le Fantôme de l’Opéra tient de la gageure. Le roman de Gaston Leroux est un livre-monstre (à tous les niveaux). Revisitation inversé, comme en miroir, de La Belle et la Bête, il est ici magistralement adapté par Paul et Gaëtan Brizzi. Les deux frères, avec un crayonné en noir et blanc qui n’est pas sans rappeler les dessinateurs caricaturistes du XIXe siècle (on pense évidemment à Honora Daumier), offrent des pages éblouissantes. Avec eux, l’Opéra est un personnage à part entière. Le récit offre également son lot de dépaysement avec des excursions à Perros-Guirec et en Perse (avec un brin d’orientalisme et de mystère). Le lecteur appréciera également un aspect catacombes et un autre commedia dell’arte (le masque du Fantôme s’y réfère). Surtout, le texte est minimaliste ce qui laisse le temps d’apprécier de grandes planches muettes. De s’y arrêter. C’est un bien beau livre-objet, une merveilleuse adaptation.
