Portrait-robot du flic ordinaire : l'emmerdeur de service, le cogneur écervelé de la fonction publique. Le héros du genre, lui, est en civil. Le flic de base est l'objet d'un ostracisme tenace, tout autant dans la réalité que dans les fictions romanesques. Quasi exclu des représentations fictionnelles, il ne les traverse que pour y faire de la figuration. Pourtant c'est lui qui, sans jeu de mots, a les mains sales et nous plonge dans la nausée du temps humain. Un matricule. « Affirmatif, chef ! » Gardien de la paix, c'est rempli d'histoires moches. L'enfer des bagarres domestiques, l'épouvante des enfants suppliciés. Pigalle, le périph'nord, les vies disloquées.
Chroniques en forme de nouvelles parfois, ou de portraits de société qui feraient presque penser à ceux de Barthes, avec plus de chair autour. Des histoires à vomir toute son humanité, quand on y songe. Un système qui ne serait pas celui de la mode, mais de la déroute humaine. Et la lecture qui nous en est proposée n'est plus sémiotique : c'est celle du terrible principe de réalité. Un coup dans le bas-ventre.
Écrit au présent du témoignage (et du constat de police), comme pour mieux rencontrer l'étymologie grecque du mot : que le témoin soit « martyr » de son temps. On songe ici au pilote de NYPD blue, ou aux épisodes de la même série entrouvrant un dur chemin de miséricorde pour l'espèce. L'effroi tenu à distance – c'est la force de ce texte -, par une « écriture blanche », très peu élaborée, dans le renoncement à toute émotion. C'est qu'il y a trop à faire, ou peut-être plus rien. Ecce homo.