Rien de plus vain que de chroniquer un recueil de nouvelles, surtout du même auteur et avec le même protagoniste, en les prenant l’une après l’autre plutôt que se fier à une impression générale. Le personnage de Mike Hammer, création de Mickey Spillane (« écrivain médiocre », selon Stephen King), était le témoin de son époque : un anti-héros raciste, homophobe, sadique, misogyne, misanthrope, qui suramplifiait la figure du privé en poussant le curseur jusqu’aux limites de l’auto-parodie, offrant sexe et violence à des niveaux inhabituels pour l’époque, lorsque ceux qui revenaient de la Seconde Guerre mondiale avaient perdu bien des illusions (à sa façon, on peut y voir le précurseur de Gérard de Villiers qui dynamita l’espionnage de papa et, devenu éditeur, usina du pulp moderne). Revenons donc aux pulps : pour qui ne le regardait pas avec les yeux de l’amour, le résultat piquait souvent un peu. Qu’on se rappelle de la seule et unique publication de John Carrol Daly (qui ?), star de l’époque, dans une anthologie de Jacques Baudou où il fallut une courte préface pour expliquer qu’il ne fallait pas incriminer le traducteur, Daly écrivait vraiment comme ça… Les pulps, visant un public pas spécialement cultivé ou raffiné, privilégiaient l’action aux détails telles que la crédibilité ou la psychologie.
Ces histoires qui nous intéressent sont loin d’être écrites à la mitraillette, puisqu’il s’agit d’un exercice de style, mais gardent ce côté ramassé… parfois même un brin elliptique, les intrigues se terminant en quelques lignes ! Le cousin de Mike Hammer et sa classique secrétaire Velda, pardon, Stella, s’occupent donc de poseurs de bombes, d’une amie accusée de meurtre (qu’il exonère), d’une autre terrifiée par des lettres anonymes, de magouilles financières, d’une intrigue autour de courses automobiles (la plus longue des nouvelles), d’une mort suspecte, bref, le pain quotidien du détective moyen — et en plus un petit clin d’œil au final ! On imagine que c’est pour garder la moelle pulp que chacune s’ouvre sur une description du personnage avec quelques variations. Fabrice Balester a réussi son exercice de style dans ses qualités et ses défauts, ce qui fait de ce recueil une curiosa. Exercice un peu vain ? À chacun de se faire une opinion.
Liste des nouvelles :
Manhattan et ses ombres
Un meurtre trop parfait
Sombre passé
Les Requins de Wall Street
La Nuit des morts vivants
Candidat au meurtre
Sur la piste des fauves
Parfum mortel
Vengeance noire
La Vérité cachée
Quand Hammer rencontre Hammer.