L'intérêt des grands héros romanesques c'est qu'ils peuvent continuer de vivre bien longtemps après la mort de leur créateur. Pour Sherlock Holmes, il existe même des anthologies de textes apocryphes autour du détective. Les auteurs le changent de siècle, de sexe, lui prêtent leurs propres fantasmes, lui font vivre les aventures dont juste le titre est évoqué dans le canon officiel – le canon holmésien regroupe toutes les aventures de Sherlock Holmes écrites par sir Arthur Conan Doyle soit quatre romans et cinquante-six nouvelles.
Luca Martinelli a décidé, lui, de s'installer dans la faille la plus connue : qu'est devenu l'homme de Baker Street entre sa mort initiale en Suisse dans les chutes du Reichenbach et son retour à la vie ? Devenu espion, déguisé, Sherlock Holmes est chargé de monter un réseau anglais qui permettra de surveiller ce qui se passe en Italie. Alors qu'il doit rencontrer son contact à Sienne, ce dernier est arrêté pour meurtre… Tout tourne autour de cette course célèbre qu'est le Palio, course qui sera sans cesse évoquée et qui se déroulera, mais à laquelle les personnages n'assisteront pas.
Luca Martinelli et sa traductrice s'installent dans le canon avec respect. Le style est fidèle, les péripéties de déduction sont restituées, quelques coups de feu sont tirés, Sherlock Holmes se voit confronté à une belle femme qui lui en rappelle une autre… Hommage est même rendu aux Irréguliers à travers le fils d'un aubergiste qui initie le détective aux mystères du Palio.
La résolution de l'énigme est un clin d'œil moderne, puisqu'il s'agit d'une reconstitution d'une affaire qui déchirera l'Italie de la fin du XXe siècle : le scandale de la loge P2. Ce jeu permet de se souvenir qu'il y a aussi dans l'œuvre de Conan Doyle une dimension ironique et drôle. Sans cet ajout postmoderne, le texte aurait parfaitement trouvé sa place dans l'ensemble des œuvres canoniques.
