CHRONIQUES

livres • bandes dessinées • comics
Prix : 18.5
INFORMATIONS LIVRE
Édité chez
ISBN : 978-2-7096-3694-0
Nombre de pages : 504
Format : 13x20cm
Année de parution : 2012
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8 / 10

L’Enquête russe

Au service... volant de Sa Majesté

En ce mois de mai 1782, Versailles est en émoi : le fils de Catherine II de Russie, le tsarévitch Paul, est attendu très bientôt avec son épouse. C'est une visite incognito – le couple voyage sous les noms de comte et comtesse du Nord. Mais c'est un incognito largement éventé ; et bien que dépourvue de caractère officiel, cette visite qui s'inscrit dans une sorte de « grand tour d'Europe » entrepris par l'héritier du trône impérial n'en a pas moins une très grande importance diplomatique. Catherine II entend en effet se mêler des tractations entre la France et les Insurgents américains, sur le point de conclure la paix avec l'Angleterre. La Prusse et l'Autriche voudraient elles aussi se joindre au concert – les enjeux sont de taille. Aussi est-il de la plus haute utilité que le roi soit informé des intentions réelles des Russes – c'est-à-dire de celles qu'ils dissimulent sous les attitudes affichées et les propos ouvertement tenus. Pour les sonder sans en avoir l'air, l'idéal serait qu'un agent du roi – par exemple le commissaire aux affaires spéciales, fort de son titre de marquis – pénètre les proches entours du tsarévitch, gagne sa confiance puis s'acquière son indéfectible reconnaissance. Comment ? En solutionnant pour lui une affaire délicate. Mais les événements n'allant pas toujours comme on souhaiterait qu'ils allassent, il convient de les forcer un peu, fût-ce par des moyens déshonnêtes…
Se mettent alors en branle de bien tortueuses manigances – l'on voit d'emblée rentrer sur la scène du récit un M. de Sartine au mieux de son machiavélisme bourru, lui qui, deux ans auparavant, avait été démis de ses fonctions de secrétaire d'État à la marine. Le roi lui ayant conservé son estime, Nicolas se doutait qu'il devait continuer à jouer quelque rôle occulte auprès du souverain. Ses soupçons se confirment quand, en accord avec le lieutenant général de police M. Le Noir, et le ministre des Affaires étrangères, M. Vergennes, Sartine lui donne licence pour organiser un cambriolage dans l'hôtel où loge la délégation russe – à seule fin de le résoudre promptement.

Avant même que ce déplaisant stratagème entre en ses prémices, un officier russe est sauvagement assassiné. Autour du corps mutilé sont semés des indices menant aussi bien aux Insurgents qu'à l'univers du jeu et de la prostitution. Puis le vol arrangé est court-circuité… par un double meurtre. C'est plus qu'il n'en faut à Nicolas pour s'immiscer dans l'entourage du tsarévitch. Se révèle alors peu à peu un véritable nid d'espions où pullulent messages chiffrés et identités d'emprunt avec, pour pimenter le tout, une intrigue annexe évoquant les crimes de Jack L'Éventreur.

Trop pour un seul roman ? Que nenni : ce récit-là est habilement troussé, le lecteur est gâté. Dans ce dixième volume – le numéro d'ordre y est-il pour quelque chose ? – Jean-François Parot déploie au mieux son talent de romancier feuilletoniste : il multiplie péripéties et indices énigmatiques en un bel effet cumulatif que n'altère aucune incohérence ; les aspects les plus rocambolesques de l'enquête conservent une vraisemblance de bon aloi et donnent au récit un piquant délectable. Si l'on retrouve, tels des signes de connivence adressés aux fidèles lecteurs, tous les tics narratifs propres à la série qui parfois lassent mais sans lesquels elle ne serait pas tout à fait elle-même – imagine-t-on un album d'Astérix dont la dernière image ne serait pas celle du banquet à sangliers ? Où l'on ne verrait pas Ordralphabetix houspillé pour son poisson pas frais ? – ils sont ici discrètement atténués. Ainsi l'auteur étouffe-t-il l'un des intermèdes culinaires en poussant l'un de ses personnages cuisiniers à refuser d'expliquer comment il prépare sa beuchelle au nom du… secret professionnel. Quant à l'effet d'attente sans quoi le feuilleton perdrait son pouvoir addicitif, on le verra subtilement ménagé par une rapide allusion à certain reliquaire, qui vient à point rappeler que Nicolas ignore toujours l'identité de sa mère…

Article initialement paru le 30 décembre 2011
Publié le 21 mai 2025
Mis à jour le 21 mai 2025
Nous voilà bien avec ces Russes ! Un meurtre à élucider et un vol à organiser !
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