Sénateur populiste grande gueule et charismatique, le démocrate Huey Long, surnommé « Kingfish », était bien parti pour s’opposer à Franklin Roosevelt en 1937 et devenir, potentiellement, le futur président des États-Unis. Mais, aussi adulé que détesté dans sa Louisiane natale et dans le Sud du pays, Long est assassiné, dans un couloir du Capitole, par un jeune médecin sans mobile évident. Criblé de soixante balles par les gardes du corps du politicien, le meurtrier supposé n’aura jamais l’occasion d’expliquer son geste. Mais a-t-il réellement tiré le coup de feu fatal ou Huey Long a-t-il été victime d’une balle perdue provenant de l’arme de l’un de ses protecteurs ? À moins qu’il ne s’agisse d’une conspiration, bien réelle au demeurant, d’adversaires du sénateur, prêts à tout et même au pire pour se débarrasser de cette figure encombrante. Ou d’un règlement de compte orchestré par la mafia, que Long tentait de mettre sur la touche. Rapidement, la machine complotiste s’emballe autour de ce crime qui anticipe le plus célèbre des meurtres politiques : celui de John Fitzgerald Kennedy. Mais, jeune père heureux en ménage et dans son travail, l’assassin supposé Carl Weiss est loin de la figure du « loup solitaire » à la Lee Harvey Oswald que la thèse officielle cherche d’emblée à faire émerger, et le « mobile » du crime, un obscur différend sur une question de redécoupage électoral visant la circonscription de son son beau-père paraît des plus ténus.
Quatre-vingt-dix ans plus tard, le meurtre de Huey Long n’a pas encore été résolu de manière satisfaisante et demeure la matrice du crime politique moderne et de sa réception par le public, de ceux des frères Kennedy à la récente tentative manquée contre Trump, qui pourrait évoquer une sorte de Long contemporain (l’un et l’autre ont des idées diamétralement opposées mais leurs méthodes sont proches). Journaliste spécialisé dans l’actualité politique et économique, passionné par la culture anglo-saxonne, Jean-Marie Pottier se penche sur une affaire qui a déjà inspiré quantité d’ouvrages, et même plusieurs films, dont le formidable All The King’s Men de Robert Rossen en 1949 et son remake imparfait de 2006 par Steven Zaillian, et explore les différentes pistes sans pour autant chercher à imposer une conclusion. Au fil d’une enquête bien menée on suivra donc tout autant les partisans de la version officielle que ceux qui, à l’instar des descendants de Carl Weiss, la contestent, sans oublier les promoteurs des thèses les plus folkloriques. Plus proche du reportage historique que du True crime proprement dit, On a tué Huey Long ! , sans apporter de réponses à une affaire qui n’en connaîtra sans doute jamais, analyse brillamment le phénomène du crime politique et la fascination qu’il engendre auprès du public.
