Nora a voulu entrer dans les ordres. Mais finalement elle est entrée dans les forces de l’ordre, ce qui est une autre façon d’aider ses concitoyens. Pourtant, ses chefs ne l’apprécient que moyennement et devenue patrouilleuse, elle accompagne Djabri, un vieux policier revenu de tout, et William, un jeune policier, un peu réservé. Ensemble, ils patrouillent dans les coins les plus déserts, les friches industrielles, là où survivent des paumés. Un soir, après une pause, ils arrivent dans une zone portuaire, le long de la Seine et ils assistent à la disparation dans l’eau d’un conteneur qui vient d’y être jeté. Pourquoi ? Par qui ? Lorsque l’on retrouve dans le conteneur en question des cadavres d’immigrants qui s’y cachaient depuis leur départ d’Afrique, c’est difficile à vivre pour les policiers. Surtout pour Nora qui s’est retrouvée à l’eau et a été sauvée par une mystérieuses femme avec une béquille, une femme qui a disparu rapidement de la scène. Alors Nora veut en savoir plus. Mais son chef commence à lui dire d’arrêter, que perdre du temps pour s’occuper d’immigrés illégaux que personne ne réclame est contre-productif. Cependant, Nora s’entête et le résultat de ses investigations pourrait mettre beaucoup de gens, y compris certains de ses collègues, en difficulté. Surtout, alors qu’elle se trouvait dans l’eau, Nora a eu le sentiment qu’une force supérieure prenait possession d’elle. Et elle commence à avoir peur car elle se découvre des pouvoirs qui semblent peu liés à la condition d’humains. Alors que ses collègues s’écartent d’elle, elle repart dans la zone près des prostituées, pour découvrir des indices qui pourraient l’aider à comprendre.
Après Feux dans la plaine, qui avait été roman remarqué, Olivier Ciechelski revient avec un deuxième opus remarquable également. Travail d’écriture où se mêle le réalisme le plus concret, les envolées poétiques sur les descriptions (notamment des lieux où se passe l’action), dialogues qui mettent en lumière les envies, les failles des personnages, tout concourt pour servir de base à une intrigue qui mélange avec force et vigueur des éléments terre-à-terre du quotidien de la banlieue parisienne en déshérence, de la corruption policière appuyée par les besoins politiques et des éléments liés à des mythologies africaines qui font lentement dériver par petites touches le roman vers le fantastique urbain. Un roman qui s’achève par une catastrophe naturelle (voulue ?) qui nettoie les écuries d’Augias. Tous ces éléments que l’on pourrait croire disparates se conjuguent pourtant avec force et nervosité pour construire un roman qui oscille sans cesse entre désespoir (normal) et volonté de s’en sortir, de trouver des solutions, de créer de l’humanité même au milieu des ordures. Une réussite qui confirme et amplifie le plaisir de lecture du premier roman.