CHRONIQUES

livres • bandes dessinées • comics
Prix : 13
INFORMATIONS LIVRE
Édité chez
Collection :
ISBN : 978-2-283-02612-0
Nombre de pages : 146
Format : 14x20cm
Année de parution : 2013
Crédits
Auteur(s) :

Préfacier: Véronique Nahou-Grappe

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8 / 10

Probe et libre : un écrivain juré d’assises

Série :

Crimes et châtiments...

Un écrivain juré d'assises… Sophie Képès raconte, bien des années après semble-t-il, son expérience. Tirée au sort, juré titulaire n° 23. Trois affaires de viols et d'abus sexuels sur mineurs, au terme desquelles il s'agissait d'envoyer des gens en prison, au nom du Peuple souverain. En prison, non sans s'interroger sur cette Justice drôlement faite au final, avec en tête le régime pénitentiaire français si souvent pointé du doigt mais en vain, par l'Union Européenne. Des crimes odieux donc, la juste peine pour obligation, faite pour protéger les faibles et faire valoir l'intérêt de la victime non sans avoir élucidé la pleine culpabilité des accusés. Un pas à pas que Sophie Képès détaille en conscience, observant, c'est son métier d'écrivain, tout le dispositif scénographique qui oriente cette recherche de Justice pour finalement réaliser que la vérité est moins l'enjeu du verdict qui va être prononcé, que l'opinion. Une opinion qu'il faut se forger dans la brutalité d'un événement qui exhibe cruellement les vies, les retourne, les dévoile sans pudeur. Une opinion qu'il faut se forger dans l'instant trop court de la session, où tout va toujours trop vite. Une opinion que l'oralité des débats est supposée garantir. Mais qui sait vraiment parler ? Ce que parler veut dire… Des êtres démunis affrontent d'autres êtres démunis sous le couvert d'une parole professionnelle, celle des magistrats, celle des avocats. Tant d'aléas… Tant de conséquences dans le verdict. Cette fragilité de la Justice, que Sophie Képès parvient si bien à révéler, effraie. D'autant que la loi, comme elle le rappelle, « ne demande pas compte aux juges des moyens par lesquels ils se sont convaincus », mais de forger leur opinion sur la sincérité de leur conscience… On y discute donc avec passion, avec émotion, « on vacille sans cesse, comme l'écrit Sophie Képès, sur le fil de l'incertitude ». Depuis tout ce qui rattache au drame qui se joue devant soi. L'impossible humanité. Mais le plus éprouvant semble contenu dans cette immense cruauté des systèmes de dénégation qu'elle finit par déceler dans l'attitude de nombre d'accusés, qui constituent comme une sorte de défense contre l'effondrement psychique, quand le coupable ne peut affronter la souffrance de ses victimes. C'est aussi dans une large mesure tout l'enjeu d'un procès en assises, dont la fonction thérapeutique s'exprime pleinement dans son témoignage. Y compris peut-être au niveau des jurés, ces personnalités imparfaites qui finissent par formuler dans le creuset de leur étrange « nous tous » une intime conscience propre à établir un jugement enfin probe, et libre…

Article initialement paru le 7 février 2014
Publié le 21 mai 2025
Mis à jour le 21 mai 2025
Avec l'impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre…
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