CHRONIQUES

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Prix : 22
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ISBN : 978-2-02-114305-8
Nombre de pages : 506
Format : 14x23cm
Année de parution : 2014
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8 / 10

Les Années rouge et noir

Série :

Saga francia

Le parcours de Gérard Delteil force le respect : trente ans au service de la littérature populaire (au sens noble), en passant par un peu tous les mauvais genres et, comme bien des romanciers populaires, en ayant commencé par ces fameux « petits boulots » (il se servira de son expérience de « crayeur » pour l'excellent N'oubliez pas l'artiste), ça en impose. Rescapé de la « littérature d'abattage » (copyright G-Morris Dumoulin, ou est-ce Frédéric Dard ?), il nous offre ces derniers temps des œuvres plus fouillées, plus conséquentes où le romancier, une fois de plus, se nourrit du journaliste qu'il fut, ou vice-versa. Or là, l'appellation « Roman noir » présentée sur la couverture des Années rouge et noir risque de tromper le lecteur.
À partir de quand peut-on parler de « roman historique » ? Combien d'années faut-il remonter pour entériner cette typologie ? Gérard Delteil utilise l'histoire, la grande et la petite, pour composer une fresque des Trente glorieuses qui évoque l'œuvre de John C. Reilly. La structure rappelle également celle du roman historique, en suivant plusieurs destins couvrant toutes les strates de la société. Alain Véron, ouvrier puis garagiste, homosexuel caché pour éviter les discriminations vivaces, écumant les boîtes de jazz, recherche vaguement les assassins de son frère militant communiste à l'épuration (un MacGuffin qui rappelle l'excellente trilogie stockholmienne de Jens Lapidus) ; Anne Laborde, ex-résistante qui se forgera une carrière dans les ministères, personnage ambigu toujours entre l'opportunisme et la sincérité dont la carrière suit celle de son mari ; Aimé Bacchelli, l'ancien collabo toujours prêt à faire jouer ses relations, fussent-elles douteuses ; et, bien sûr, ce qu'il faut de personnalités bien réelles, des obligatoires « noms » (Aragon, Sartre…) a des personnages qui, pour tout romanesques qu'ils paraissent, ont réellement existé !
C'est avec un souffle évident que Gérard Delteil brasse une partie des événements de 1942 à 1978, et si le souci de neutralité purement journalistique — à chacun de se faire une opinion — impose une certaine austérité au niveau des personnages (l'action se déroule majoritairement en dialogues), l'auteur fait revivre ce Paris du passé, des usines aux cités ouvrières jusqu'aux ors de la République, d'une façon qui évoque parfois Émile Zola (pas moins !). Un travail remarquable. Alors, roman noir, roman de « blanche », roman historique ? Au fond, quelle importance ?

Article initialement paru le 28 mars 2014
Publié le 21 mai 2025
Mis à jour le 21 mai 2025
C'est toujours comme ça, sous tous les régimes, la plupart des gens en vue se rangent du côté du manche pour ne pas perdre leurs privilèges ou pour en obtenir d'autres.
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