France, années 1970. Dans l'orphelinat où ils grandissent, Jean, Michel et Claire jurent de ne jamais se séparer, de vivre heureux ensemble, avec cette solennité des serments adolescents. Mais treize ans plus tard, la vie les a rattrapés, et Jean et Michel tentent comme ils le peuvent de tromper leur ennui dans un petit port endormi, entre bagarres, proxénétisme amateur et coups foireux, cherchant à trouver un sens à une vie sans grand avenir. Claire, de son côté, à filé pour Los Angeles sans un regard en arrière, en quête d'une gloire illusoire, mais c'est par le biais de vidéos et de revues pornos que ses deux amis découvrent la réalité de sa nouvelle carrière. Un braquage raté et meurtrier va leur donner l'impulsion nécessaire pour aller la retrouver aux États-Unis et la « sauver ». Même si, pour tenter de retrouver sa trace, ils vont devoir aussi plonger dans le milieu mortifère du porno, dans un tourbillon de sexe tarifé, de drogue et de mort.
Depuis Monstre : une enfance et Hécate, on sait que Frédéric Jaccaud ne craint pas de gratter là où ça fait mal, de triturer les plaies de la société pour en extraire des vérités pas toujours bonnes à dire. Avec Glory Hole, il fouaille non seulement l'industrie du porno, à l'heure où celle-ci vivait le boom de la cassette VHS, mais aussi l'industrie du spectacle dans son entier, tiraillée entre voyeurisme, exhibitionnisme et pulsions morbides. L'auteur suisse n'épargne personne, et dans une langue froide, analytique, dissèque ses personnages et le monde dans lequel ils évoluent, les rêves brisés, les renoncements et les obsessions qui les nourrissent. Pas de rédemption facile ici, Frédéric Jaccaud nous enfonce dans un puit de noirceur sans fond. Et si on pourra lui reprocher certaines pages un rien trop didactiques et bavardes, l'ensemble laisse un sentiment étonnant de nausée et de vertige. Les âmes sensibles éviteront Glory Hole, les autres l'adoreront.
