CHRONIQUES

livres • bandes dessinées • comics
Prix : 8.6
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Numéro collection : 5903
ISBN : 978-2-264-08172-8
Nombre de pages : 332
Format : 11x18cm
Année de parution : 2021
Titre original : Clark and Division
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8 / 10

Ma sœur est morte à Chicagp

Série :

Déni de suicide

Le 7 Décembre 1941, l'armée japonaise attaque la base militaire américaine de Pearl Harbor, provoquant l'entrée en guerre du pays. En quelques jours, plus de cent vingt mille Japonais résidant aux États-Unis, considérés comme « inassimilables », sont raflés et parqués dans une dizaine de camps installés dans des zones isolées. C'est dans l'un de ces camps, celui de Manzanar, qu'est détenue la famille Ito, anciennement commerçante. Mais si les deux parents sont réellement japonais, leurs filles, Rose et Aki, sont des Nisei, des citoyennes américaines d'origine japonaise. Libérée parmi les premières, en 1943, l'ainée, Rose, se rend à Chicago pour y vivre et préparer l'arrivée prochaine de sa famille qui a tout perdu. Mais lorsque ceux-ci peuvent enfin la rejoindre, c'est pour découvrir que Rose est morte, s'étant apparemment jetée sous les rails du métro la veille. Une conclusion que n'accepte pas Aki, qui va se lancer sur les traces du passé récent de cette sœur, si différente et si proche, pour éviter qu'elle ne soit réduite à un entrefilet dans la presse locale. Face à l'indifférence et au mépris de la police devant le sort des Japonais, à la peur de ceux-ci et à la difficile réinsertion de ces « réfugiés intérieurs », Aki va dérouler, opiniâtrement, le fil des événements qui a conduit son aînée sur ce quai de métro de la station Clark et Division (le titre original du roman).

Auteure américaine, connue en France pour son « cycle de Mas Ara » – dont les trois premiers tomes (sur sept) ont été traduits aux éditions de l'Aube -, Naomi Hirahara est fille de Kibei, ces Américains d'origine japonaise qui avaient passé une partie de leur jeunesse au Japon et ont été, eux aussi, incarcérés dans les camps aux États-Unis durant la guerre. Dans Ma sœur est morte à Chicago, premier volume d'une duologie, elle convoque la mémoire de cette population victime d'ostracisme dans son propre pays du simple fait de leur origine, à travers le regard d'une jeune femme obstinée et aimante, tiraillée entre la tradition héritée de ses parents et son désir d'être, comme Rose, une femme moderne et émancipée. Derrière l'enquête de son héroïne, elle en profite pour pointer du doigt les manquements de l'Amérique à laquelle croyaient ces immigrants, déclassés, perdus et maltraités, et dessine tout en finesse le beau portrait d'une jeune femme ivre de vie, surmontant le deuil d'une sœur qu'elle admirait par la recherche de la vérité. Un très beau texte sur des faits souvent occultés par l'histoire « officielle ».

Article initialement paru le 17 février 2025
Publié le 21 mai 2025
Mis à jour le 21 mai 2025
Le légiste me regarda en silence, semblant deviner mes pensées. Ma sœur s'était suicidée parce que nous arrivions à Chicago – sans doute de honte après ce qu'elle avait fait.